Copies de concours: Version Agreg Interne 2006 - Copie 1
Note obtenue: 12/20
-Ca fera l’affaire,
tu ne penses pas ?, dit Edward. Ca me semble bien assez grand
et assez élégant.
Ramenée brutalement à la
réalité de la rue londonienne, elle vit leurs deux reflets dans
la devanture vitrée du magasin, en surimposition transparente par-dessus
les soies et les fourrures, les dorures et les cuirs, les mannequins prétentieux
au regard vide et impénétrable dans leurs accoutrements ridicules.
Leurs reflets, qui glissaient par-dessus ces décors somptueux, étaient
ceux d’un pauvre couple visiblement laissé pour compte, en contraste
aussi saisissant qu’une foule de pauvres gens dans n’importe quel
tableau de l’époque victorienne, misérables badauds admirant
les riches parés de satin et de plumes. Les mannequins dans la vitrine
portaient des vêtements si peu semblables à ceux de Helen qu’ils
auraient pu provenir d’une tout autre culture : des couleurs d’arc-en-ciel,
des étoffes aux motifs et à la texture sublimes, des jupes gonflantes
ou fendues comme celle d’une danseuse. Les chaises sur lesquelles ils étaient
assis ou appuyés étaient dorés ou en verre et chrome brillant ;
des gros rouleaux de tissu étaient à moitié déroulés
pour déployer encore plus de soie et de satin ; des bijoux étaient
jetés par poignées sur les tables ou tout simplement par terre.
Les prix, là où ils étaient signalés, étaient écrits
de manière décorative sur de minuscules étiquettes, comme
si on y avait pensé après coup. Helen regardait son visage flotter
au-dessus de ces riches cavernes qui brillaient ; était-il maigre
et avait-il l’air affamé, trahissait-il le manque et l’exclusion ?
A vrai dire, non, pas vraiment. C’était son visage habituel, ordinaire,
son visage de tous les jours, que le décor rendait simplement insignifiant
et incongru ; tel un fantôme, il traversait tranquillement, à côté de
celui d’Edward, les grottes d’Aladin qui se trouvaient au-delà.
TRADUCTOLOGIE :
Hoisted back to the London street : il s’agit d’Helen,
perdue dans ses pensées et que la question d’Edward, qui
débute le passage, ramène brutalement à Londres,
dans la rue.
Nous avons affaire ici à une structure résultative, courante
en anglais, un verbe à particule, à la voix passive sans
auxiliaire et mis en apposition en position initiale. Conserver cette
syntaxe ne posera pas problème dans la traduction puisque le
français affectionne ces appositions qui retardent l’apparition
du sujet.
Le problème se situera au niveau lexical pour tout le segment,
tout d’abord la traduction du verbe à particule qui nécessite
souvent le recours à un chassé-croisé avec double
transposition (hoistedàbrutalement / backàramenée)
et un ordre inversé.
Ensuite, c’est le GN the London street qui va poser un
problème de transcription dans un souci de fidélité au
texte. *La rue de Londres, *cette rue de Londres, ne semblent pas recevables,
pas plus qu’ *une rue à, de Londres.
Pour conserver les sèmes contenus dans hoisted /+LOURD/
/+EFFORT/ et pour expliciter le fait qu’Helen est arrachée
brutalement à sa rêverie, je propose donc la traduction
suivante :
Ramenée brutalement à la réalité de la rue londonienne