BBC et le service public de l'audiovisuel, 1922-1995 (La)

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Question de civilisation britannique (tronc commun) au programme de l'agrégation externe et interne en 2021 et 2022.

Texte de cadrage

Après la monarchie, la BBC est sans doute l’institution britannique la plus célèbre à travers le monde, ainsi qu’une référence internationale en matière de journalisme. Fondée en 1922, la BBC a accompagné les Britanniques sur plusieurs générations, à travers les crises politiques et les changements sociaux du pays. Surnommé de manière affectueuse « Auntie » ou « the Beeb », mais souvent critiqué, ce service public de l’audiovisuel occupe une place importante dans la vie de la nation. Il s’agira d’étudier l’histoire de la BBC depuis sa fondation, en passant par le début des diffusions télévisées en 1937, jusqu’à sa mue numérique en 1995, étape qui marque la fin de ce qui peut être considéré comme l’ère classique de l’audiovisuel britannique. On accordera une attention particulière au statut juridique de l’institution, à sa place dans le paysage audiovisuel et à sa relation avec le pouvoir politique. Le modèle économique dela BBC mérite aussi d’être étudié, en particulier les modalités de son financement. Du point de vue culturel, le contenu des programmes et la manière dont leur choix est décidé retiendront l’attention ; si le rôle des dirigeants de la BBC et des équipes de production est essentiel, il évolua au fil du temps, en fonction des attentes du public et des changements de la société.

  • Le paysage audiovisuel

La BBC, originellement la British Broadcasting Company, fut créée en octobre 1922 par un groupe de pionniers de la radiodiffusion. John Reith, ingénieur écossais de 33 ans, en fut nommé General Manager. En 1927, à la suite des rapports des commissions Sykes (1923) et Crawford (1926), la BBC devint une entreprise de service public, constituée par charte royale en tant que British Broadcasting Corporation, avec pour mission d’« informer, éduquer et divertir » ses auditeurs et financée par le biais d’une redevance. Entre 1922 et 1936, la BBC produisit exclusivement des programmes radiophoniques, dont elle avait alors le monopole. Ces premières années furent caractérisées par nombre d’innovations, depuis la diffusion de pièces de théâtre écrites pour la radio jusqu’à des débats électoraux, qui rencontrèrent un succès certain. La proportion de foyers équipés d’un poste de radio augmenta rapidement pour atteindre les trois quarts en 1938. À partir de 1937, la BBC diffusa ses premières émissions télévisées, interrompues par la Seconde Guerre mondiale, mais la retransmission du couronnement d’Elizabeth II en 1953 consacra la place de ce nouveau média dans le paysage audiovisuel britannique. En 1950, à peine plus de 4% des foyers disposaient d’un téléviseur, mais ils étaient plus de 90 % en 1964. Le monopole télévisuel de la BBC prit fin en 1954 au moment de la création d’une entité privée, Independent Television (ITV), suivie en 1982 par la création d’une autre chaîne de service public, Channel 4, ainsi que d’une déclinaison galloise, S4C. De son côté, la BBC obtint en 1964 une seconde chaîne de télévision, BBC 2. L’arrivée de la télévision par câble en 1983 et par satellite en 1989 élargit l’offre mais contribua par la même occasion à éclater le paysage audiovisuel. S’agissant des radios, elles furent réorganisées au sortir de la Seconde Guerre mondiale afin de mieux répondre aux attentes de la population. La BBC Home Service proposait notamment des informations, tandis que la BBC Light Programme offrait de la musique et des émissions de divertissement populaires, et la BBC Third Programme de la musique classique et des émissions culturelles. En 1967, ces radios devinrent respectivement Radio 4, Radio 1 et Radio 3, auxquelles s’ajouta Radio 2, chacune ayant un positionnement propre dans un paysage marqué par l’ouverture des ondes aux radios privées à partir de 1973.

  • La BBC et le pouvoir politique

L’indépendance de la BBC est garantie par sa charte, dont le renouvellement décennal permet toutefois au gouvernement d’exercer une influence sur l’institution. Son Conseil des directeurs (Board of Governors), composé de douze membres nommés par le Premier ministre, devait rendre des comptes au Parlement et aux auditeurs. Sous l’autorité de son Président (Chairman of the Board), le Conseil décidait de la stratégie, nommait le Directeur général et publiait des rapports annuels, tandis que la programmation relevait de la responsabilité du Directeur général et de son équipe. Le traitement de l’actualité fut souvent à l’origine de désaccords avec le gouvernement. Lors de la grève générale de 1926, John Reith, Directeur général, chercha à gagner la confiance du public en diffusant plusieurs points de vue, mais il subit de fortes pressions gouvernementales pour ne pas donner la parole au dirigeant du Parti travailliste. Pendant la Seconde Guerre mondiale, la BBC refusa de devenir un instrument de propagande aux ordres du gouvernement, mais participa néanmoins au maintien du moral de la population et accepta de censurer toute information susceptible de compromettre la sécurité nationale. La manière dont la BBC couvrit la crise de Suez (1956), les grèves des années 1970 ou la guerre des Malouines (1982) fit l’objet de polémiques, tout comme certains documentaires produits par l’équipe de Panorama, célèbre émission d’information diffusée depuis 1953. Une autre source de tensions entre le gouvernement et la BBC tient à son modèle économique. Après la Seconde Guerre mondiale, l’audiovisuel connut une expansion rapide, ponctuée par plusieurs rapports officiels – dont le rapport Beveridge en 1951, le rapport Pilkington en 1962 et le rapport Annan en 1977 – qui abordèrent les questions du financement par la publicité, du monopole de la BBC, de la qualité des programmes et del’impartialité du service public. Quant au rapport Peacock (1986), s’il se prononça pour le maintien de la redevance audiovisuelle, il recommanda dans le même temps la privatisation des chaînes radiophoniques BBC Radio 1 et BBC Radio 2. Ces questions furent aussi débattues au parlement, où conservateurs et travaillistes s’opposèrent sur la place à accorder au secteur privé et sur le financement de la BBC. En 1986, la nomination de Marmaduke Hussey au poste de Président du Conseil, tout comme la démission forcée du Directeur général, Alasdair Milne, fut perçue par beaucoup comme une tentative de reprise en main par le gouvernement conservateur d’une BBC jugée trop favorable à la gauche.

  • La culture et la société britanniques

Pendant les années vingt, le monopole de la BBC contribua à unifier le Royaume-Uni, par des émissions écoutées par un nombre croissant de Britanniques. L’influence sur les programmes de John Reith, Directeur général jusqu’en 1938, fut considérable. Attaché au rôle moral et éducatif de l’institution, il privilégia une vision ambitieuse de son contenu culturel, tout en veillant à ce que l’ensemble de la population trouve son compte dans les programmes. Il devint toutefois vite apparent que les auditeurs souhaitaient davantage de choix, et à partir de 1930 la coexistence d’un programme national de radio et de programmes régionaux permit de répondre partiellement à cette attente. En 1940, la création d’une programmation destinée aux militaires, le BBC Forces Programme, en complément du Home Service, fut un succès immédiat. Dans une nette rupture avec les années reithiennes, le choix fut fait, à partir d’une étude des attentes des auditeurs (BBC Listener Research), de privilégier le divertissement. Le ton devint plus informel et les accents se diversifièrent. Grâce à des émissions comme It’s That Man Again(1939-1949), très écoutée sur le front intérieur, la BBC permit d’unir la population dans le cadre de l’effort de guerre, à défaut de surmonter les clivages sociaux. La création de trois radios distinctes au sortir de la guerre fut conçue à l’intention des principales catégories sociales : la BBC Light Programme, avec ses émissions de divertissement populaires, était destinée au plus grand nombre, alors que la BBC Home Services’adressait davantage aux auditeurs des classes moyennes et la BBC Third Programme aux élites intellectuelles et culturelles. À partir des années 1950, la BBC adapta petit à petit son offre à une société en plein changement. Des séries au long cours, comme The Archers (1951) et EastEnders (1985) qui mettent en scène la vie de communautés rurale et urbaine, intégrèrent maintes évolutions sociétales au fil des décennies, tandis que l’ouverture aux cultures populaires et à diverses minorités constituèrent une réponse au besoin des Britanniques d’un intermédiaire culturel capable de les aider à penser et reconnaître leur pays.

En somme, dans une démarche relevant notamment de l’histoire des médias, dont Asa Briggs fut un pionnier par son histoire remarquée de l’audiovisuel britannique (A History of Broadcasting in the United Kingdom, Oxford University Press, 5 volumes, 1961-1995), l’étude de la BBC permettra de mieux comprendre la manière dont ce service public singulier s’imposa comme un acteur essentiel de la vie du pays, accompagnant avec plus ou moins de succès les évolutions de la société.

Bibliographies

Liens utiles

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