Conflit nord-irlandais : vers une paix inachevée ? (1969-2007) (Le)

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Question de civilisation américaine (option B) au programme de l'agrégation externe 2024 et 2025.

Texte de cadrage

Le conflit nord-irlandais, dont les origines furent multifactorielles (coloniales, politiques, économiques, religieuses et culturelles) et qui fit environ 3800 morts, se solda en 1998 par une paix fragile, suivie d’une dizaine d’années d’incertitudes politiques. Il s’agira ici d’étudier les éléments déclencheurs du conflit, les ressorts des évènements marquants, les stratégies et dynamiques politiques et sociales, ainsi que les divergences de points de vue et d’interprétations, dans l’historiographie et les médias. Les enjeux coloniaux, nationalistes, unionistes, politiques et culturels ainsi que les facteurs endogènes ou exogènes sont particulièrement au cœur du débat historiographique. Il faudra également porter une attention particulière à la terminologie employée pour définir les parties prenantes du conflit.

Contextes, chronologie et événements majeurs

L’Irlande du Nord naît en 1921, à la suite de la campagne pour le Home Rule, mais ses contours territoriaux sont incertains jusqu’en 1926. Dès 1922, dans un territoire où coexistent deux tiers de protestants et un tiers de catholiques, le parlement nord-irlandais vote des lois d’état d’urgence (« Special Powers Acts ») tandis que des pratiques discriminatoires contre les catholiques s’instaurent dans les domaines de la politique (découpage électoral partisan), du logement et de l’emploi. Malgré les volontés de réforme du système et les tentatives de normalisation des relations avec la République d’Irlande sous l’impulsion du Premier ministre nord-irlandais Terence O’Neill (1963-69) et du Taoiseach Sean Lemass (1959-66), c’est le mouvement pour les droits civiques (Northern Ireland Civil Rights Association, créée en 1967) qui bouleverse le statut quo et organise des manifestations que les forces de l’ordre (RUC-the Royal Ulster Constabulary, très majoritairement protestant) répriment avec violence. Des émeutes éclatent en août 1969 à Derry puis à Belfast, et donnent lieu à des mouvements de population dans des quartiers de plus en plus ségrégués. Face à une situation qui se détériore rapidement, le Premier ministre nord-irlandais, James Chichester-Clark, demande en 1969 le déploiement de l’armée britannique. Le conflit s’embrase.

Militarisation : 1969-1972

Pour cette première période, qui couvre le déclenchement de la violence, l’on s’attachera à comprendre les événements majeurs qui conduisent à la suspension du gouvernement nord-irlandais à Stormont et la mise en place de l’Irlande du Nord sous administration directe par Westminster en 1972. Les relations jusque-là relativement correctes entre catholiques-nationalistes et l’armée britannique se détériorent à partir du « Falls Curfew » (juillet 1970), tandis qu’est introduit l’internement administratif dans le cadre de l’opération Demetrius mise en place par les gouvernements nord-irlandais et britannique. Le conflit jusqu’alors politique et social se militarise avec l’intervention croissante des paramilitaires et le durcissement des tactiques des forces de sécurité comprenant la police (RUC) et l’armée britannique. La tragédie du Bloody Sunday en janvier 1972 marque un tournant dans le conflit. L’enquête partisane menée à la suite de cet événement (le « Widgery Tribunal ») conduit à un recrutement massif pour l’Armée républicaine irlandaise (IRA-Irish Republican Army), de même que le refus d’enquêter sur le massacre de Ballymurphy en août 1971 par l’armée britannique ou sur des attentats comme celui du McGurk’s bar. L’IRA, après une scission en 1969, met en place une stratégie militaire de plus en plus violente et revendique la fin de l’occupation britannique. Parallèlement, les paramilitaires loyalistes (UVF-Ulster Volunteer Force, UDA-Ulster Defence Army) mènent des campagnes contre la population catholique-nationaliste. Au-delà des évènements eux-mêmes, il s’agira de comprendre les raisons politiques et sociales, tout comme les choix stratégiques, qui poussent chaque acteur du conflit à durcir ses positions.

Une résolution semée d’embûches : 1973-1998

La deuxième période est marquée par l’installation d’une guerre longue de faible intensité et par une violence croissante qui mène néanmoins vers un accord politique. On s’interrogera sur la politique menée par le gouvernement britannique : déploiement de l’état d’urgence, internement administratif, procédures pénales d’exception que sont les « Diplock Courts », et le « traitement inhumain » des personnes en garde à vue, selon la Commission européenne des droits de l’homme (CEDH). Parallèlement, la campagne violente de l’IRA s’exporte vers l’Angleterre (attentats à Birmingham et Guildford en 1974, assassinats d’Airy Neave et de lord Mountbatten en 1979), tandis que l’UVF commet des attentats en République d’Irlande (Dublin et Monaghan en 1974, massacre du groupe de rock The Miami Showband en 1975). De nouvelles formes de protestations émergent également pendant cette période : la grève de l’Ulster Workers Council (UWC) en 1974, la grève des couvertures et de l’hygiène dans les prisons entre 1976 et 1980, suivies des grèves de la faim de 1980 et 1981. Les partis au pouvoir ont une influence sur les évolutions : gouvernements travaillistes de Harold Wilson et James Callaghan, gouvernements conservateurs de Margaret Thatcher (mise en place de la criminalisation des prisonniers politiques et Ulsterisation des forces de sécurité), et gouvernements irlandais dirigés par Jack Lynch, Charles Haughey et Garret FitzGerald, qui oscillent entre engagement et distanciation.

Se développent également différentes tentatives d’œuvrer pour la paix, que ce soit sur le plan politique (Accord de Sunningdale en 1973) ou civil (émergence des « Peace People » en 1978). Pour comprendre les tentatives de résolution du conflit aux plans politique et constitutionnel, on étudiera les efforts de restauration des institutions nord-irlandaises entre 1974 et l’Accord du Vendredi saint de 1998 (« Good Friday Agreement » ou « Belfast Agreement »), tout en soulignant les avancées que contient l’accord anglo-irlandais (« Anglo-Irish Agreement ») de 1985. Le changement de stratégie des républicains sous la présidence de Gerry Adams à partir de 1983, alliant lutte armée et dialogue politique (« an Armalite in one hand and a ballot box in the other » selon Danny Morrison), indique que la guerre d’usure ne se soldera pas par une victoire. De même, le dialogue pan-nationaliste entre John Hume (SDLP-Social Democratic and Labour Party) et Gerry Adams (Sinn Féin) enclenche un mouvement vers une résolution politique du conflit. La Déclaration de Downing Street (« Downing Street Declaration ») en 1993 entre les gouvernements britannique et irlandais, suivie des cessez-le-feu des paramilitaires en 1994, accélère la signature de l’Accord de 1998, après d’âpres négociations encouragées par le gouvernement de Tony Blair et influencées par l’administration Clinton et les aides financières européennes (PEACE programmes).

Vers une société « post-conflit » : 1998-2007

La dernière période permet de réfléchir à ce qu’est la société nord-irlandaise dite « post-conflit ». La mise en place des nouvelles institutions à partir de 1999, avec des ruptures épisodiques, suscite des oppositions parmi les unionistes et nationalistes, notamment sur les mécanismes de partage du pouvoir (« power-sharing »), les propositions de réforme de la police et de la justice, les statuts des ex-prisonniers et prisonnières politiques, le désarmement des groupes paramilitaires (« weapons decommissioning »), ou le sort des victimes. Entre 1999 et 2007, l’Assemblée d’Irlande du Nord et les institutions fonctionnent bon an mal an, avec des ruptures épisodiques et des antagonismes grandissants. Ce n’est qu’en 2007, et après de nombreux pourparlers, que l’Assemblée peut siéger et qu’un nouveau gouvernement est formé par le DUP-Democratic Unionist Party et Sinn Féin, sous le leadership d’Ian Paisley (Premier ministre) et de Martin McGuinness (vice-Premier ministre).

La période révèle les difficultés à allier théorie et pratique du travail de réconciliation, de mémoire et de justice, sujets de dissension entre les partis politiques et au sein du secteur associatif. Se succèdent de manière non coordonnée des commissions (enquête Saville sur le Bloody Sunday), des enquêtes sur la collusion entre les paramilitaires loyalistes et les forces de l’ordre, et des procès individuels.

Approches et thématiques transversales

Le conflit nord-irlandais et le chemin vers une paix fragile seront analysés en prêtant une attention particulière au rôle de toutes les parties prenantes : partis politiques nationalistes et unionistes, paramilitaires républicains et loyalistes, gouvernements britanniques et irlandais.

Les antagonismes politiques seront aussi étudiés à la lumière du travail de terrain mené par le secteur associatif pour rapprocher les communautés les plus divisées, qui se retrouvent souvent dans les quartiers défavorisés. On s’intéressera ainsi aux fractures géographiques et démographiques, au système scolaire qui reste majoritairement ségrégué malgré l’essor initialement timide des écoles dites « intégrées » à partir de 1981, et à l’impact de la politique des relations communautaires depuis les années 1980. Parallèlement, les alliances politiques intercommunautaires, qui se tissent parmi les mouvements féministes et LGBTQ+, ainsi qu’au sein de plusieurs partis et organisations (notamment anarchistes, Communist Party of Ireland, Women’s Coalition, People Before Profit, Alliance...), montrent l’importance des questions de genre et de classe dans toutes les phases du conflit et des négociations pour la paix.

Enfin, les enjeux politiques, sécuritaires, sociaux et culturels ci-dessus s’inscrivent aussi, à maints égards,dans une guerre des images, qui mobilise représentations iconographiques et médiatiques. Il sera ainsi nécessaire de réfléchir aux sources à visée propagandiste et à leur impact : peintures murales, médias (britanniques et irlandais), productions artistiques des paramilitaires et de leurs soutiens, sources audio-visuelles produites par le NIO-Northern Ireland Office.

Bibliographies

Liens utiles