INTERNET ET MULTILINGUISME
par Jacques
Melot.
«La question du plurilinguisme en général
et celle de la présence de notre langue sur Internet sont habituellement posées
dans un contexte trop subjectivement français. Il en résulte des débats
sans fin autour de ce qui se révèle être de faux problèmes...Le français
est exclu depuis longtemps de la physique des haute énergies au point que des
spécialistesde ce domaine avouent qu'ils seraient dans l'impossibilité
d'écrire leurs articles en français...»
I. PRÉSENCE DE LA LANGUE FRANÇAISE SUR
INTERNET (au
sens large du terme).
Force nous est de constater que rares sont les francophones, spécialement les
Français, qui osent s'exprimer dans leur langue (ou, plus généralement,
dans une langue autre que l'anglais) dans un contexte international, sur l'Internet
en l'occurrence. Les raisons de ce phénomène sont multiples.
Certains s'y refusent pour des raisons plus ou moins exprimées et argumentées
(le plus souvent superficielles et sans conviction - ou contre leurs convictions !),
d'autres, hélas! fort nombreux, pour des raisons narcissiques, d'autres enfin
pour des raisons économiques; ceux qui n'appartiennent pas à l'une de ces
catégories, souvent à court d'arguments, suivent avec plus ou moins bonne
conscience ou un sentiment de malaise. Ceux qui, de manière naturelle, emploient
le français pour la communication internationale, sont rares.
En ce qui concerne l'emploi du français dans les forums internationaux,
ils sont à ce point rares et isolés que je ne connais personne, en dehors
de moi-même, qui le fasse régulièrement (en particulier dans des forums
professionnels). Il est vrai que je ne suis ou n'ai jamais été abonné
qu'à une cinquantaine de forums, ce qui, bien sûr, est peu relativement
au nombre de forums existants ou ayant existé.
Malgré tout, en naviguant on tombe occasionnellement sur de nombreux messages
envoyés à des forums très divers et ma conclusion est basée aussi
sur cette expérience.
En règle générale, on constate que :
- Lorsqu'une conversation ou un débat est engagé en anglais, personne n'ose intervenir dans une autre langue.
- Lorsqu'une personne pose une question ou lance un débat dans un forum international, cette personne n'emploie que très rarement une autre langue que l'anglais, même si par ailleurs elle le fait à contrecoeur ou si, et je connais de nombreux cas réels, elle le fait en parfaite contradiction avec une conviction exprimée en d'autres lieux.
Est-il donc impossible de continuer à s'exprimer en
français sur ce nouveau support qu'est l'internet (ss. lato) ? Pour répondre
à cette question de manière pertinente, il ne faut sûrement pas se
contenter de considérations théoriques, mais bien se baser sur l'observation
et l'expérience vécue.
Pour moi qui ait cette expérience (je précise qu'en dehors du français
je connais un certains nombre de langues, dont toutes les langues scandinaves, et
que j'en parle plusieurs couramment), il est évident que ceux qui s'expriment
habituellement sur la question basent leur argumentation sur une approche théorique
aux prémisses fragiles, prémisses qui reflètent le contexte étroit
et relativement fermé de la francophonie telle que nous la connaissons à
l'heure actuelle et, par ailleurs, s'appuient sur une série d'idées omniprésentes
et acceptées comme autant de vérités immanentes sans avoir jamais
été passées au crible de la raison (idées mythiques).
Voici l'énoncé de quelques faits concernant la communication en français
sur l'internet, dans des forums dits internationaux (par «forum», j'entends
ce qu'on appelle en anglais «discussion list» et non «newsgroup»).
Supposons que nous intervenions en français dans le cours d'un débat.
Le déroulement des événements - comme il résulte de l'expérience
(cf. plus loin) - suit régulièrement le schéma suivant.
a. Les protagonistes continuent à débattre comme si votre message n'était pas parvenu au forum. On s'exprime par dessus votre tête : vous êtes invisible, vous n'existez pas. Ce peut être une expérience particulièrement frustrante, surtout pour un débutant ou s'il s'agit d'un premier essai.
Je pense qu'il peut y avoir là une forme d'humiliation très voisine, pour celui qui la subit, de ce qu'une personne peut ressentir lorsqu'elle est l'objet de racisme.
b. Quelque temps plus tard, si vous continuez à suivre les échanges, vous vous apercevez alors qu'un message, puis deux, puis souvent quelques autres encore, renferment des arguments ressemblant étrangement à ceux que vous avez développés, voire reprennent intégralement une partie de votre argumentation dans une traduction en anglais, en se l'appropriant.
Au fur et à mesure que de tels messages s'accumulent, vous prenez conscience que le vôtre a été lu et qu'il agit invisiblement en infléchissant le cours de la discussion, à la manière d'un aimant.
c. Un des protagonistes fait référence explicite à votre message, parfois indirectement, comme cela arrive, en dénonçant, pour l'affaiblir, un participant qui a eu la mauvaise idée de reprendre à son nom une partie de votre argumentation.
d. Les autres participants n'ont plus guère la possibilité de continuer à vous ignorer et se réfèrent à vous, soit directement soit indirectement, ou encore se taisent.
e. Votre message est commenté et interprété ouvertement. Dans bien des cas vous vous retrouvez sur la sellette - seul, à cause du caractère unique que vous communique votre particularité.
Une telle intervention apparaît en effet très nettement indissociable de la langue et de la culture associées, et il en résulte une différence très nette d'atmosphère.
f. Ce faisant le profil des intervenants change. Certains, jusqu'à là prolixes, désormais se taisent, d'autres ayant peu ou pas intervenu commencent à le faire et le débat prend une autre tournure.
Phénomène intéressant à noter, il naît fréquemment une forme particulière de compétition entre les différents participants : c'est à celui qui, implicitement et plus ou moins subtilement, montrera une meilleure aptitude à comprendre le français ou fera preuve de plus d'aisance dans cette langue qui s'avère subitement et indirectement être un nouveau moyen de redistribuer les cartes.
Il n'y a donc pas perte dynamique, mais bien au contraire renouveau et invigoration et ce d'autant plus que le phénomène a tendance à éliminer le «Fachidiot» au profit du spécialiste érudit, de l'humaniste.
Les modifications dans le débat, dues à l'usage
du français en l'occurrence, ont donc pour conséquence remarquable une
hausse de la qualité des interventions car l'élite et les personnes
ayant reçues une éducation solide ont très souvent une formation comportant
une certaine connaissance de notre langue, notamment aux États-Unis, mais aussi
en Grande-Bretagne, en Scandinavie, en Allemagne, en Italie, etc.
Or cette élite, par nature même est minoritaire et n'est pas nécessairement
constituée par les personnes les plus aptes à avoir un ascendant sur un
groupe en raison de qualités qui n'ont rien à voir avec la compétence
technique. Cette élite retrouve donc là, par le biais du français,
le moyen de reprendre le dessus, c'est-à-dire une place qui lui revient naturellement,
et, par là, de donner libre cours à ses qualités propres dans la spécialité
concernée, au grand profit du niveau général.
L'usage du français présente aussi un avantage surprenant, bien
qu'accessoire, que l'on découvre parfois avec plaisir ou soulagement. Pour peu
que vous vous soyez fait une bonne réputation par la qualité de vos interventions
(leur caractère original, leur exactitude, etc.), vos erreurs et les points
faibles ou peu compréhensibles qui fatalement, tôt ou tard, entachent telle
ou telle de vos contributions se voient souvent interprétés en éléments
corrects ou rétablis par ceux qui utilisent vos messages, comme si inconsciemment
ils vous accordaient le bénéfice du doute sur la foi de votre réputation,
en sorte que vos interventions, supposées généralement bonnes, ont
tendance même à être surestimées, ce qui vous met évidemment
dans une position particulièrement confortable.
Ce n'est pas un de mes arguments préférés car, comme on dit, à
vaincre sans péril on triomphe sans gloire et ceux qui me connaissent savent
que ce n'est pas tellement mon genre, mais il s'agit tout de même d'un élément
appréciable qui va au secours de celui qui fait l'effort de se lancer dans une
telle entreprise et peut venir à point nommé pour lui accorder un répit
précieux au cours d'un débat particulièrement difficile. J'y vois
avant tout une excellente illustration du dicton «Aide-toi, le Ciel t'aidera!».
Les réactions négatives exprimées sont rares, faibles, limitées
et généralement vigoureusement contrées par des compatriotes de celui
qui s'y risque.
À titre d'exemple, je vous renvoie au débat auquel j'ai participé
et qui a eu lieu dans le forum
SCIENCE-AS-CULTURE de St-John's University (SCIENCE-AS-CULTURE@MAELSTROM.STJOHNS.EDU)
de la fin septembre à la mi-novembre 1996 (concerne
la question de la féminisation abusive du langage, «"man", 'man',
"woman", 'woman', "mankind",'womankind'», etc.). Certains
participants interviennent en français, dont moi, d'autres en anglais (plusieurs
nationalités ou pays sont représentés: les États-Unis d'Amérique,
les Pays-Bas, un Roumain de Californie, l'Australie, l'Argentine, l'Italie, la Grande-Bretagne,
Israël, un Canadien francophone et même un Français, domicilié
aux États-Unis).
II. PRÉSENCE DES PAYS FRANCOPHONES
SUR L'INTERNET.
J'ai beau examiner la question en tous sens, je ne
vois aucun obstacle extérieur qui nous empêcherait d'utiliser
l'internet pour chercher des informations, échanger des idées (la question
de l'expression en français a été traitée plus haut et le sera
également plus loin, pour le reste) ou publier des informations, tout à
notre guise, sinon un: les difficultés en ce qui concerne l'usage des systèmes
d'écriture différents de l'ASCII simple (caractères accentués, caractères cyrilliques,
grecs, etc.).
Les autres obstacles sont économiques et dépendent essentiellement de la
politique de nos pays (prix des communications téléphoniques, des abonnements,
engorgement des serveurs, etc.)
Comme je ne veux pas me montrer trop long, je ne vais pas m'appesantir sur cette
question, me contentant de remarquer toutefois qu'être présent le plus
possible n'est pas un but en soi, c'est plutôt l'expression d'un désir
narcissique ou d'un souci impérialiste.
Il faut être aussi présent que nécessaire pour des raisons sérieuses
précises, ce qui est bien différent. Nous avons déjà vu qu'il
y a beaucoup moins d'obstacles qu'on le prétend généralement à
notre participation aux forums de notre choix, où qu'ils se trouvent dans le
monde, sauf bien sûr si nous allons nous immiscer dans des forums où nous
n'avons rien à faire, tel un forum traitant de la politique municipale d'une
ville étrangère, ou, évidemment, un forum regroupant par nature des
individus prônant une forme de discrimination culturelle (mouvements WASP, etc.).
III. DE L'USAGE DU FRANÇAIS COMME
LANGUE DE COMMUNICATION INTERNATIONALE.
C'est la qualité de notre contribution à la civilisation,
plus qu'un nombre de canons, argument auxquels certains détracteurs ne manqueront
sûrement pas de penser, qui a fait du français non seulement une langue
de communication internationale - la seconde par son importance générale
après l'anglais -, mais encore une langue des sciences, des techniques,
des arts et des métiers, ce qu'elle est toujours, malgré l'intoxication
permanente et les attaques constantes de ceux qui, pour des raisons en dernière
analyse économiques, tentent d'accréditer le contraire.
Le statut du français est aussi la raison pour laquelle une bonne partie des
personnes participant d'une manière ou d'une autre encore à la vie intellectuelle
française ne sont tout simplement pas en mesure d'utiliser l'anglais, ne serait-ce
que pour ne pas avoir appris cette langue à l'école, ce qui, à l'époque
où ils firent leurs études, n'avait RIEN d'anormal.
Et ceci ne vaut pas que pour la France. Si tant est qu'il est justifié, ce qui
à mon avis n'est pas le cas, le passage au tout-anglais est donc objectivement
pour le moins PRÉMATURÉ, à moins de pousser le cynisme jusqu'à
assumer la réduction au silence d'une partie du monde civilisé.
L'usage du français pour les communications internationales n'est donc pas
artificiel mais s'inscrit dans une continuité historique et est, d'autre
part, justifié par la condition particulière des francophones. Il s'assoit
sur la contribution française à la civilisation et est conditionnépar
l'impossibilité d'une modification instantanée d'une situation normale,
dont le fondement est historique (phénomène normal d'inertie culturelle
et historique).
La conséquence la plus immédiate de l'abandon de notre langue par certains
est que le fait même sert d'argument circulaire à la suppression de l'enseignement
du français dans les pays non francophones, dans les pays linguistiquement concurrents
notamment, ce qui en retour rend la situation du français de plus en plus précaire
et renforce toujours plus l'argumentation de ceux qui ont intérêt à
voir sa disparition.
Il y a par exemple dans les tiroirs du ministère de l'Éducation nationale
islandais un projet en faveur de la suppression de l'enseignement du français
pour la raison que «tout ce qui est écrit d'intéressant en France
est écrit en anglais ou traduit dans cette langue» (exemples : revues
scientifiques de l'Institut Pasteur, Comptes rend. hebd. de l'Acad. des sciences,
etc.).
Les raisons de l'abandon du français par une partie des francophones
sont essentiellement d'ordre psychologique (narcissique) et pratique, mais dans tous
les cas fondées sur une appréciation contestable de la réalité.
Cela se fait généralement au nom de l'idée mythique de la communication
internationale et dans ce cas ne peut s'expliquer que par le fait que les francophones
qui préfèrent utiliser l'anglais doutent du caractère universel de
leur langue ou n'en sont pas correctement informé, ou fondent leur décision
sur le caractère majoritaire de l'anglais.
L'idée sous-jacente, rarement exprimée et pour cause, est de publier pour
être lu par le plus grand nombre, ce qui n'est évidemment pas un but en
soi, là où la sagesse impose de publier pour ceux à qui s'adresse
vraiment ce que l'on écrit.
Enfin, dans les pays francophones, on sous-estime généralement le nombre
de personnes qui de par le monde son susceptibles de lire le français ou de
le comprendre. La proportion des personnes présentant cette caractéristique
dans les pays germaniques non anglophones, par exemple, n'est en rien comparable
à ce que tendent à indiquer les statistiques de l'enseignement du français,
notamment en ce qui concerne les pays scandinaves.
En effet, dans ces pays les gens ne souffrent pas des mêmes inhibitions linguistiques
que les francophones (et les anglophones) et apprennent une langue étrangère
dès l'instant où ils en ressentent pour une raison quelconque le besoin.
En Islande, par exemple, hormis l'islandais, pratiquement toute la population peut
comprendre le danois, et beaucoup en ont une connaissance assez bonne, parfois excellente.
C'est en effet la première langue enseignée à l'école et elle
est obligatoire. Ensuite, viens l'anglais, également obligatoire, puis une troisième
langue: l'allemand ou le français.
Les parents qui ont un minimum d'ambition pour leurs enfants, poussent ceux-ci
à prendre l'allemand, qui s'avère pour cette raison fortement majoritaire
devant le français (le français est surtout choisi, comme partout maintenant,
par les filles, les élèves sans ambition professionnelle particulière
et les littéraires).
Pour terminer on peut choisir une langue supplémentaire, éventuellement
les langues classiques (latin, grec ancien). À cela s'ajoute que tout islandais
peut lire le féroïen, qui est une langue voisine, et comprend aisément
le norvégien et le suédois, langues voisines du danois. En revanche les
Danois, Suédois et Norvégiens ne peuvent comprendre l'islandais qu'après
un apprentissage (mais ils se comprennent toutefois entre eux spontanément).
Il n'empêche que la situation est comparable dans ces pays à ce qu'elle
est en Islande et l'on peut en dire à peu près autant des Pays-Bas et,
dans une certaine mesure, de l'Allemagne.
Si, dans ces pays, l'apprentissage du français dans les écoles est relativement
peu développé, il n'en est pas moins vrai que de nombreuses personnes,
plus tard, à l'âge adulte, se mettent - seules ou dans une école
du type «Volkshochschule» - au français et parviennent à
des résultats tout à fait honorables (souvent bien supérieurs à
ceux de beaucoup de français qui se disent parler anglais).
Les pays nordiques sont liés par un traité dans laquelle les états
membres (les pays scandinaves et la Finlande) ont convenu que les travaux et relations
à l'intérieur du groupe se font à l'aide des langues nationales. Le
résultat, très effectif, est une politique linguistique cohérente,
stricte et efficace.
Pour cette raison, en Islande, comme dans les autres pays nordiques, tous les films
sont projetés en version originale (avec texte en islandais), à chaque
fois que l'on voit quelqu'un s'exprimer dans une langue étrangère à
la télévision, en particulier aux actualités télévisées,
que ce soit des politiciens, des célébrités ou de simples passants,
les conversations, en quelque langue que ce soit, sont TOUJOURS données en version
originale avec texte islandais (JAMAIS doublées). Ici nous entendons Jeltsin
parler russe, Jacques Chirac s'exprimer en français, Bill Clinton dans sa langue,
nos voisins Esquimaux dans leur langue ou en danois, et, de Sarajevo, notre général
Morillon national... en anglais.
De même, dans les colloques des traductions simultanées sont assurées,
si nécessaire (essentiellement entre le finlandais et les langues scandinaves).
Entendez vous souvent ne serait-ce que du suédois ou du danois aux actualités
des télévisions françaises, ou même de l'espagnol ou du portugais
sans que ce soit immédiatement couvert par une traduction vocale en français ?
En Scandinavie, apprendre une langue est aussi naturel que disons... apprendre à
utiliser les nouvelles possibilités offertes périodiquement par l'ordinateur,
ce qui, vous en conviendrez, n'est pas une activité réservée à
la seule élite, mais, au contraire, touche le grand public.
Je ne pense pas que les Français et plus largement les francophones soient
plus bêtes que les autres, mais ils souffrent de lourdes inhibitions en
ce qui concerne l'apprentissage des langues, inhibitions auxquelles s'ajoute un lourd
passé d'impérialisme linguistique.
On peut lever ces inhibitions, je crois, par un travail de longue haleine sur la
population française, en adoptant une politique linguistique réaliste,
suivie et cohérente. À mon avis, la survie du français comme langue
de communication et de civilisation, pas seulement comme langue littéraire ou
locale, en dépend. Du reste, il est probable que la perte de vitalité qui
résulterait de l'étiolement dû à l'impossibilité de s'exprimer
désormais en français dans les domaines des sciences, des techniques et
des métiers, se répercuterait à terme sur la création littéraire
et artistique.
Il faudrait alors parler non plus seulement d'un recul du français, mais
d'une récession de la France et d'une fossilisation de notre culture. Cette
situation est d'autant plus préoccupante que rien de semblable à la politique
linguistique des pays nordiques n'existe pour le groupe roman, au point que l'anglais,
langue germanique, est de plus en plus employé comme langue de communication
internationale à l'intérieur de ce groupe linguistique naturel.
Autrement dit, il est fort possible qu'après quelques décennies les langues
scandinaves connaissent toujours une grande vitalité alors que les langue romanes
seront en forte récession. Il ne faut pas oublier non plus que l'envahissement
par l'anglais commence par les domaines les plus spécialisés pour atteindre
ensuite progressivement les autres.
Le français est exclu depuis longtemps de la physique des hautes énergies
au point que des spécialistes de ce domaine comme R. Omnès avouent qu'ils
seraient dans l'impossibilité d'écrire leurs articles en français
s'il fallait y revenir. Après les sciences, le phénomène gagnera par
continuité les techniques de pointe, puis les métiers, le français
ne servant plus à terme qu'à commenter une partie de pêche ou à
acheter du pain.
Est-ce cela que nous voulons?... Cet effondrement de notre civilisation est-il inéluctable?
Nous ne pourrons le savoir qu'une fois que nous aurons combattu jusqu'à la dernière
extrémité, pas en adoptant une attitude défaitiste ou fataliste. Et
d'ailleurs qui sait ce que le sort peut réserver à nos adversaires ?
Est-ce une stimulation et une perspective d'avenir pour des jeunes qu'on prépare
par ailleurs au combat pour la vie par toutes sortes de discours? Si on les contraint
à une telle reddition, on leur coupe les jarrets: ils ne trouveront pas la force
en eux d'affronter la concurrence sans merci à laquelle ils seront, quoi qu'il
arrive, confrontés.
Jacques Melot, Reykjavík, Islande.
Cet article est la propriété intellectuelle deJacques Melot, 1998.
Avec l'aimable permission de l'auteur.