A LA BONNE DISSERTE !
Elle se lit comme un
(bon) article de revue...
'The skill of writing is to create a context in which other people
can think.' -Edwin Schlossberg, designer (1945- )
> Il me semble
que ce qui manque le plus aux candidats, ce n'est pas vraiment du "savoir",
qui est déjà presque trop abondant, mais la technique pour
- utiliser ce savoir, pour
arriver à construire un développement cohérent à partir
de lectures, de réflexions, de travaux divers, pour ne jamais réutiliser
telle quelle une question de cours mais pour
- en extraire tout ce
qui peut être mis au service du travail en cours et uniquement cela, pour rapprocher
les idées qui vont pouvoir s'articuler, pour voir par exemple que telle
réflexion sur le style que l'on a lue il y a 3 mois peut venir renforcer un
petit bout de lecture qu'on vient juste de faire,
- s'approprier une foule de
notions disparates et les articuler, les faire siennes et en sortir un document cohérent,
qui se lise comme un (bon) article de revue, sans que jamais le lecteur ne soit arrêté
dans sa lecture par le style ou la technique - et qui soit bien sûr en excellent
anglais...
La bonne disserte, bien évidemment,
est toujours fondée sur une connaissance sans faille de l'Fuvre et de la critique
de base, et l'excellente disserte y ajoute des réflexions basées sur
des lectures plus pointues, voire même parfois des réflexions personnelles
(mais en 7 h, il ne faut pas rêver sur ce qu'on peut faire...).
Sans aucune exception, elle est bien charpentée, bien structurée,
ce qui ne veut pas dire forcément d'après les règles de la scholastique!
Mais le lecteur doit sentir qu'il y a un plan, une progression, un enchaînement
des idées qui montre que le candidat ne s'est pas contenté de "jeter"
ses idées comme elles lui venaient, mais qu'il s'est posé la question
de savoir comment il pourrait convaincre le lecteur de façon optimale,
et a ordonné ses idées en fonction de cela, avec un point de départ
et une progression maîtrisée vers un but), servie par une rhétorique
à la fois ferme - c'est à dire que le lecteur sait toujours
où il en est, qu'il est conduit fermement là où l'auteur veut
qu'il aille, qu'il n'a pas le loisir de s'arrêter et de critiquer, que l'auteur
arrive à le convaincre et à répondre à l'avance aux objections
que le lecteur s'apprête à formuler) - et discrète: pas
trop lourde, sans articulations pesantes qui attirent l'attention, sans parties de
plan numérotées, sans
expressions comme "il faut maintenant parler de..." ou "last but not
least" qui ne font qu'attirer
l'attention sur le fait que les idées sont juxtaposées et non pas articulées.
On ne peut pas vraiment à l'agreg dire "zut, j'ai oublié de parler
de ceci" ou "ah bon, c'est de ça qu'il fallait parler?"
Il n'y a bien sûr pas de "corrigé-type" possible sur un sujet
d'agreg, et les devoirs qui "tiendront la route" ne se ressembleront sans
doute pas entre eux.
Donc, a priori, pas de regrets à avoir en apprenant que telle autre personne
a eu une idée que vous n'avez pas eue - si vous l'aviez eue, votre disserte
aurait été différente, mais pas nécessairement meilleure.
Les seuls regrets à avoir concernent les exemples ou remarques que vous auriez
pu utiliser parce qu'ils allaient précisément là où vous
alliez, et qu'ils auraient renforcé votre propre argumentation, surtout dans
le cas où vous auriez été conscient de la faiblesse de tel ou
tel maillon de votre argumentation.
Le moment où l'on rassemble ses idées avant d'écrire la disserte
est celui où on envisage les possibles, ou on multiplie les idées ;
quand on passe à la réflexion sur le plan détaillé, c'est
là qu'on trie sérieusement.
Et de toute façon, il n'y a que sept heures pour l'ensemble, réflexion,
préparation du plan et rédaction, ce qui est une autre limite (et cinq
heures au CAPES, ce qui impose encore d'autres restrictions).
Une disserte n'est pas une
question de cours, avec un terrain qu'il faut impérativement couvrir en
entier - c'est avant tout une progression vers une déclaration personnelle
sur le sujet, au cours de laquelle on ne doit pas se sentir obligé de "tout"
dire.
Il faut au contraire se défendre contre les digressions qui nous viennent
à l'esprit, l'envie de faire un petit saut de côté parce qu'on
a bien envie de parler de ceci ou de cela, et au contraire privilégier l'architecture
de l'ensemble.
Et, si l'université sait assez bien comment enseigner la critique sur
les textes, tout cela est beaucoup plus difficile à faire passer en cours,
sauf peut-être par l'exemple...
- d'un collègue maître
de conf. Merci
!
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Of the five cannons of rhetoric,
style follows invention
and arrangement
and precedes memory
and delivery.
- Karen Hobbs.-
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